Au lendemain du premier tour, les ténors de la droite affirmaient qu’une nouvelle élection commençait. Après le second, la réalité s’était imposée. La sanction du bilan de Nicolas Sarkozy, les doutes sinon les rejets de sa politique ne sont plus discutables, l’Alsace étant la seule exception qui confirme la règle. Mais la page ne peut être tournée sur ces certitudes. Trois questions majeures sont posées par ce scrutin : le pouvoir respec-tera-t-il la volonté populaire ou poursuivra-t-il sans rien y changer son programme de contre-réformes libérales ? Serons-nous capables collecti-vement de surmonter la crise démocratique dont témoigne le niveau resté encore très haut de l’abstention ? La gauche sera-t-elle à la hauteur des attentes populaires pour réhabiliter l’utilité de la politique pour les cou¬ches populaires et les jeunes ?
Les premières réactions de l’UMP inquiètent. Le « remaniement » est cosmétique. Fillon, doucereux, annonce la
poursuite des mêmes choix, imposer le recul de l’âge de la retraite, une politique d’ultra-austérité, la démolition du Code du travail, une nouvelle taxe carbone, l’amputation des services
publics… Pas de changement de cap en vue. Pourtant, une telle surdité pousserait encore la crise démocratique vers un paroxysme. À quoi servirait de voter, d’assumer sa citoyenneté, si sa voix
n’est pas entendue ? Le précédent du référendum sur la Constitution européenne est de bien mauvais augure ! Les luttes sociales qui s’amorcent devront sans doute ajouter la rue aux urnes pour que
la voix du pays l’emporte. C’est la première tâche de la gauche que de les appuyer au lendemain du scrutin. Un véritable défi se présente pour les progressistes. Si dans les beaux quartiers, on
s’accommode aisément que les trois quarts des habitants de grandes cités populaires soient tenus en lisière de la vie publique – qu’ils ne soient pas inscrits sur les listes électorales ou qu’ils
s’abstiennent –, les progressistes ne peuvent s’y résoudre. Un devoir d’ambition et d’invention se présente à eux. C’est une tâche prioritaire pour le Front de gauche et particulièrement pour les
communistes qui furent les plus à l’aise dans les grands ensembles de banlieue, tissant des liens sociaux qui y ont longtemps structuré la vie. L’enjeu n’est pas moindre dans les régions
industrielles dévastées, où le sentiment d’abandon des populations fait trop souvent prospérer le Front national.
Pour cela, il faut une gauche qui ne vire pas à la moindre brise, une gauche sur laquelle notre peuple soit
sûr de pouvoir compter. Le résultat de la liste du Front de gauche élargi en Limousin (19,1 %, avec un pro¬grès de plus de 5 % sur le premier tour) confirme que les tentations hégémoniques sont à
bannir. L’hypothèque Modem qui visait à infuser de la droite dans la gauche s’est évaporée. Ouf ! Mais tout reste à cons¬truire, les luttes, les projets, pour véritablement transformer la
société. L’élection de majorités de gauche dans les régions doit désormais faire ses preuves qu’elle ne se résumera pas à gérer plus humainement les conséquences de la crise, mais qu’elle donnera
des forces aux mouve¬ments sociaux et citoyens pour construire d’autres choix.
Ce scrutin clôt une campagne, mais il peut être un début.