Contribution de Guy Evrard aux Ateliers de la Gauche (Paris, jeudi 15 octobre 2009) sur le thème "Est-il trop tard pour sauver le climat ?" (avec nos excuses pour le
retard de publication)
1. Quelle politique énergétique pour répondre aux besoins de
l’humanité ?
- Soustraire la fourniture d’énergie à la concurrence privée et à la recherche du profit, par la mise en place de services publics de l’énergie aux niveaux national, régional
et avec une coordination mondiale, disposant d’une vue d’ensemble des besoins et des ressources, et capable de promouvoir la solidarité entre pays du nord et pays du sud. Ces structures devront
être démocratiques et auront pour cahier des charges d’assurer l’approvisionnement équitable, guider la recherche scientifique et technologique pour diversifier les sources d’énergie, veiller à
la pérennité des ressources et à la préservation de l’environnement, garantir la transparence de leur activité par des échanges permanents avec les citoyens.
- Réduire la consommation énergétique. Outre les mesures techniques évitant le gaspillage
(isolation, meilleur rendement des machines…), c’est toute la philosophie de nos sociétés, basée sur la croissance productiviste des biens matériels (même futiles) qui doit être remise en
question. La crise globale actuelle nous prouve définitivement que l’économisme comme moteur, s’il permet globalement un certain enrichissement, est aussi facteur d’accroissement des inégalités
de tous ordres et conduit toute la planète dans l’impasse, voire vers un anéantissement prématuré de l’humanité. Réorganiser le maillage économique pour limiter le transport des marchandises.
Assurer la décentralisation des fabrications, l’autonomie régionale et si possible locale de la production alimentaire. L’industrialisation des moyens de production, favorisée par l’énergie à bon
marché, ne se justifie pas forcément, notamment pour la production agricole et l’industrie agroalimentaire. Il vaut mieux qu’une fraction plus importante de la population continue de participer à
la production et vive dans les campagnes plutôt que de venir grossir les rangs des miséreux autour des grandes métropoles.
- La marchandisation de la nature et, pour ce qui concerne l’énergie, le marché du
gaz carbonique comme moyen de réduire la consommation d’énergie fossile, confine à l’absurde et peut être perçue comme le paroxysme de la fuite en avant. Il en sera de même pour le marché de la
biodiversité. Le système capitaliste ne sait ou ne veut rien résoudre en dehors du marché. Prédateur, il est en fait à l’affût de toutes les opportunités lui permettant d’ouvrir de nouveaux
territoires à l’économie marchande. Il n’y a guère de solution sans dépasser le système capitaliste.
- L’énergie doit donc être déclarée bien d’utilité publique, au même titre que l’eau, l’air, la diversité biologique… et échapper à la logique d’une économie marchande, comme
envisagé plus haut. Fonder dès maintenant les comportements et les stratégies sur des règles de droit.
- Dans l’état actuel de nos connaissances, l’énergie solaire, sous ses différentes formes, est la plus pérenne et le développement des recherches pour l’utiliser de façon
efficace, dans le respect de la biosphère, doit constituer l’un des axes de recherche prioritaires de nos sociétés. Ces travaux pourraient s’appuyer sur un réseau à l’image du GIEC pour les
questions climatiques. La mise en place progressive des applications doit pouvoir être garantie en dehors de toute surenchère marchande, par une information objective des citoyens et le
développement d’un réseau de compétences. Elle sera pilotée et garantie par les services publics de l’énergie,
- L’énergie nucléaire représente sans doute encore un fort potentiel d’énergie concentrée, notamment si l’on parvient à domestiquer la fusion. Elle cumule cependant aussi
beaucoup d’inconvénients, du moins tant qu’elle reste tributaire de la fission : risques d’accident très graves, radioactivité des déchets à durée de vie très longue à l’échelle de
l’humanité, risques croissants de détournement à des fins militaires ou crapuleuses liés à une dissémination mal contrôlée, investissements lourds, applications civiles encore principalement
limitées à la production d’électricité avec un certain manque de souplesse. Il paraît souhaitable de poursuivre des travaux de recherche de haut niveau et de maintenir des compétences
industrielles fortes sur les applications, sans pour autant l’envisager pour le moment comme une solution à privilégier pour satisfaire les besoins énergétiques, en tout cas tant que les
hypothèques évoquées ne sont pas levées.
- L’électricité est une forme commode de l’énergie pour l’éclairage, pour animer les
machines et les systèmes informatiques ou de communication. Il faut cependant garder à l’esprit qu’elle ne représente aujourd’hui en France qu’environ le quart de l’énergie dépensée. Certes,
cette proportion va croître si le pétrole se raréfie pour la mobilité routière. Mais fabriquer de l’électricité à partir d’énergie thermique pour la retransformer ensuite de nouveau en
énergie thermique (chauffage) reste une absurdité en terme de rendement. Une réflexion en profondeur, à l’abri des lobbies économiques, reste donc indispensable pour optimiser les choix
énergétiques en fonction des applications.
2. Quelle intervention de la gauche française et européenne au sommet de Copenhague et ses
suites ?
- Valoriser l’idée du nécessaire dépassement du productivisme capitaliste comme seule
véritable solution pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et plus généralement pour la préservation de notre biosphère. Travailler à la transition vers une économie de partage,
qui ne serait plus qu’un outil dans un monde plus solidaire capable d’autres finalités que celle de la croissance, fut-elle verte ! En finir avec le dogme du marché via une concurrence
libre et non faussée.
- Se conformer strictement aux recommandations du GIEC pour limiter impérativement le
réchauffement à 2°C au cours du 21ème siècle : réduction des émissions de CO2 de 30% à l’horizon 2020 par rapport à 1990. L’engagement d’étape des pays occidentaux doit
permettre d’obtenir l’engagement des pays émergents pour une réduction de 50% à l’horizon 2050. Envisager de faire mieux si possible, les dernières observations montrant que c’est plutôt le
scénario pessimiste qui se profile, en raison notamment de la dynamique des glaces plus active que prévu et qui n’avait pu être introduite dans les modèles climatiques.
- Aide au développement des pays du sud, conformément aux promesses de 50 milliards de
dollars de 2004. Aide à la mise en place de stratégies et de technologies évitant l’émission de CO2. Adopter des mesures pour l’accueil et le statut des réfugiés
climatiques.
- Remplacer le marché pervers du carbone par des règles de droit. L’achat de droits à polluer exonère les riches de produire les efforts nécessaires, alors qu’ils en ont
justement les moyens. Entreprendre l’analyse de tous les effets négatifs du mécanisme et notamment les actions financières spéculatives.